Nombre d’adhérents de l’AOPA France se sont retrouvés place Vendôme le 29 janvier dernier pour participer à la première soirée du Fly & Business Club.

L’AOPA FRance est partenaire de ce nouveau club. Retour sur le premier événement organisé par ce club de réflexion qui mêle étroitement business et pilotage.

La première conférence du Fly& Business Club, a rassemblé plus de 75 participants autour des brillantes interventions de Stéphane Mayer (PDG de Nexter, ancien PDG de Socata, d’ATR et de Daher / Socata), Jérôme Arnaud, directeur adjoint d’EDEIS et Michel Polacco, journaliste aéronautique bien connu, sur le thème « Les similitudes entre le management d’une entreprise et le pilotage d’un avion ».


Interview Express de Jean-Luc KOCH responsable du Fly & Business Club et membre de longue date de l’AOPA France :

Qu’est-ce que le Fly & Business Club ?

Un club qui regroupe des pilotes qui sont aussi des dirigeants d’entreprises, qui se réunissent régulièrement pour partager leur experience de dirigeant et de pilote. Fly & Business club à été fondé en partenariat avec le magazine Aviation et Pilote, l’AOPA France et le magazine Capital.

Comment en savoir plus ?

www.flyandbusinessclub.com

Comment adhérer au Fly & Business Club ?

Il n’y a pas d’adhésion formelle pour l’instant, seule une participation au diner est demandée, mais il faut être pilote pour participer.

Prochaine soirée ?

Au vu des événements actuels, il ne semble pas raisonnable de fixer une date précise, mais nous espérons une session avant le coeur de l’été !

Transcription de l’intervention de Stéphane Mayer, PDG, Nexter, Pilote IFR.


Quelles sont les similitudes entre le management d’une entreprise et le pilotage d’un avion ?

Tout d’abord, piloter un avion privé, pour un dirigeant, c’est un gain de temps, donc d’efficacité, donc de compétitivité. C’est une évidence aux Etats-Unis (« no plane, no gain »), ce peut être plus difficile à accepter en France où l’aviation privée peut déclencher une forme de jalousie. D’où la nécessité d’être vigilant sur la bonne affectation des dépenses de pilotage entre budget privé et entreprise.

Si on est dirigeant d’une société d’aéronautique qui fabrique des avions, être pilote permet de connaître en profondeur le produit, de participer avec les équipes à sa conception et aux essais, et surtout d’en faire une réussite en se mettant à la place du client, en comprenant ses attentes et ses besoins. C’est aussi un gage de confiance quand le dirigeant pilote l’avion conçu et vendu par son entreprise… C’est un vrai bonheur professionnel que de pouvoir allier sa passion et son travail… mais ce n’est pas donné à tout le monde !

La gestion de crise

Une des similitudes évidentes entre le pilote de l’entreprise et le pilote d’avion, c’est la gestion de crise. La crise se déclenche de façon inattendue, nécessite une mobilisation immédiate et les bonnes réactions. Le débrief d’après-crise pose la question des responsabilités et de comment éviter de recommencer la fois d’après.

Les méthodes de gestion de crises sont de plus en plus nécessaires dans les entreprises, parce que la responsabilité sociétale de l’entreprise demande une meilleure maîtrise des risques et parce que les médias et réseaux sociaux peuvent jouer un rôle amplificateur. Par conséquent, dans une entreprise, il faut un vrai manuel de gestion de crises, c’est comme une check-list. Il faut une cellule de crise, celle dans laquelle où vous appelle au milieu de la nuit, c’est comme un cockpit. Et puis il faut un travail en équipage, entre le manager, le responsable juridique, technique, communication : on doit gérer la crise avec les informations disponibles.

L’expérience

L’expérience réelle et réglementaire en avion, qu’elle soit totale ou récente, est importante. En entreprise, on accumule une expérience individuelle qui vient avec les années, qui permet de mener une équipe, un projet, avoir une vision, mais aussi une expérience collective avec l’ensemble des compétences d’un entreprise.

L’innovation

Un autre éclairage intéressant est celui de l’innovation. Une étude menée par des chercheurs d’universités américaines, publiée dans le journal « Financial Economics » conclut que, quand le ou la PDG est pilote, les entreprises sont plus innovantes. Les chercheurs attribuent cela au fait que les pilotes sont des personnalités qui recherchent des sensations et que la recherche de sensations combinée à la prise de risques et la recherche d’expériences nouvelles conduit à la créativité, donc à une meilleure innovation.

L’anticipation et la maîtrise des risques

Néanmoins les pilotes ne sont pas des casse-cous, ce sont des individus qui, comme un bon dirigeant, anticipent le risque et mettent tout en œuvre pour le maîtriser.

Que ce soit dans un cockpit ou en entreprise, pour maîtriser, il faut d’abord être conscient de la responsabilité qu’on a vis-à-vis de ses passagers ou ses employés, même si évidemment, les conséquences d’un accident d’avion et d’un accident industriel ne sont pas de même nature.

Au moment de la formation, on enseigne au pilote l’anticipation des changements, à rester en avant de l’avion et prévoir les instants à venir. Les dirigeants doivent s’en inspirer, pour être en en avant de leurs concurrents et en avant de leurs clients. Il faut savoir faire face au changement : une météo changeante, un concurrent qui change de stratégie. Il faut savoir faire face à une panne, comme à un échec technique dans l’innovation ou dans le développement d’un nouveau produit. Et dans les deux cas, il faut avoir mis en place des check-lists ou des processus.

Pour maîtriser le risque, il faut l’analyser, par conséquent un vol cela se prépare, les Américains disent : « Plan the Flight and Fly the Plan ». C’est la même chose dans une entreprise : on fait des « Business Cases » avant de décider d’investir, on revoit les offres avant de les remettre aux clients, on fait des budgets, on fait des prévisions et ainsi de suite.

La prise de décision

Après il faut décider, et là, même similitude entre la nécessité impérieuse de décider : « go no go , j’y vais, j’y vais pas, je continue le vol, je m’arrête. Je lance un projet, je continue, je m’arrête ».

La solitude est aussi parfois associée, une fois qu’on a vu toutes les analyses, à la décision, qu’elle soit celle du commandant de bord ou celle du chef d’entreprise.

L’exécution et le suivi

Une fois qu’on a décidé, il faut suivre et exécuter. On le même mot en entreprise et dans l’avion : tableau de bord. On développe dans les deux cas la boucle vertueuse : je me fixe un objectif, j’agis pour atteindre cet objectif, ensuite je mesure le déroulement du plan par rapport à cet objectif, je mesure ma performance avec des indicateurs ou des cadrans et puis je boucle. C’est-à-dire, en fonction de ce que j’observe, je fais évoluer les actions jusqu’à éventuellement remettre en cause les objectifs. Si je vois que la météo baisse etc. je peux me dérouter, c’est la même chose dans le cycle de contrôle de gestion d’une entreprise et aussi ce qu’on apprend aux commandes d’un avion, notamment avec les T basiques quand on apprend l’IFR avec un avion à cadran : on regarde, on agit sur les commandes, on regarde de nouveau et ainsi de suite.

Les stratégies alternatives

En avion comme en entreprise, il est nécessaire d’avoir un plan B, parfois même, un plan C.

D’abord il faut que ce plan alternatif existe et ensuite être capable de prendre la décision de l’adopter, c’est parfois ce qu’il y a de plus difficile à faire. Est-ce que je continue le projet ? Est-ce que j’arrête l’activité ? Est-ce que je ferme l’usine ? Est-ce que je me déroute sur un autre aéroport ? Est-ce je change de stratégie ?